À cheval, une traversée de la Chartreuse

C'est l'été 1993 que j'ai réalisé cette traversée à cheval – ça fait un moment. Retrouvant le récit et quelques photos de cette randonnée équestre en solitaire parcourue avec un cheval de selle et un cheval de bât en deux jours, j'ai décidé de partager aussi cette expérience pour la Chartreuse en particulier, sur sentier-nature. Dans son intégralité, ce projet a conduit nos pas dans une longue traversée alpine à travers Vercors, Dévoluy, Haut Champsaur, Oisans, Cerces-Galibier, Maurienne, Belledonne et enfin Chartreuse. Cet itinéraire est évidemment accessible aux randonneurs pédestres.

Chemins, cultures ; petites routes, villas ; les juments traversent la grande banlieue de Grenoble. Les Massons, lieu-dit de Saint lsmier, enfin nous nous engageons sur le sentier du col de la Faïta que Laurent m'a recommandé. Parfaitement tracé par une pente régulière, le sentier nous amène rapidement au col (j'ai quand même dû scier un arbre). Bonheur, avec la fraicheur des 1400m nous retrouvons notre joie de vivre.

Riquita descend en main le Col de la Petite Vache

On aperçoit Gitane, jument de bât, entre les postérieurs de Riquita avec laquelle je descends en main le Col de la Petite Vache pour traverser vers le Cul de Lampe sous la Grande Sure. (Traversée de la Chartreuse - juillet 1993)

Je parle avec deux pédestres. Gitane a reconnu le chemin du col du Coq parcouru il y a trois ans, elle gratte, hennit, s'impatiente, file devant, sacré bibiche ! L'arête terreuse du col de l'Emeindras est toujours aussi effilée. Un coup de cul, nous traversons sous les falaises de Chamechaude vers le habert. Gérard le berger, toujours aussi bien entouré nous invite. C'est la grande bouffe, salade, ragoût de mouton, fromage, j'offre le dessert. Le vin est bien bon, café, trois génépis différents... Gérard m'indique un sentier forestier qui évite le mauvais pas rencontré en 1990.

Gitane observe les marmottes

Gitane, jument de bât, observe les marmottes dans les pentes des vallons de la Grande Sure. (Traversée de la Chartreuse - juillet 1993)

En selle ! Superbe, à cheval, le tour de Chamechaude par le Sud est très aérien. Col de Porte, à l'hôtel Girard, on me conseille d'installer le camp sur la piste de ski. Les juments pourront boire aux bachats installés par le berger. Ses tarines passent là quelques jours avant de monter en alpage au Charmant Som. Il commence à pleuvoir, l'orage est sur la Pinéa. À pied, Quita en longe, je cherche le coin idéal près du point d'eau. Nous traversons une sagne, ça enfonce, Quita me bouscule. Merde ! Je m'étale. C'est couvert de boue, le jean trempé jusqu'à la taille que je monte le camp sous la pluie. J'allume un feu pour me sécher, il égayera la soirée. Dernière nuit en montagne, je rêve d'une autre traversée… Une vingtaine de jours de raid n'a pas étanché ma soif d'aventure, de paysages, d'immensités vierges parcourues au rythme du pas des chevaux.

Les juments peinent dans le raide sentier sous la Pinéa, enfin la ligne de crête. Comment ne pas faire le détour pour saluer Victor et les amis du Charmant Som, petits blancs, retrouvailles, à une prochaine fois. Par le Fournel, nous descendons vers le col de la Charmette. Près de l'ancien chalet TCF, nous prenons le temps, de savourer l'instant présent. Pas de l'Âne, mauvais sentier dans des pentes douces, par le col de la Petite Vache nous débouchons dans les vallons de la Grande Sure. Effrontées, les marmottes nous observent, à moins d'un mètre préfèrent quand même disparaître dans leur refuge. Après le Cul de Lampe, les passages difficiles sont nombreux. Sous le pierrier, les avalanches ont couché de nombreuses charmilles. Ça ne passe pas, découragé je n'essaie pas le sentier en rive droite du ravin de Chorolant. Point topo, décision, nous rebroussons chemin pour traverser sur le col de la Charmille. Les juments fuient d'un bon pas le ravin lugubre.

Gitane en difficulté dans la pierraille du rude sentier

Lors d'une reconnaissance après le Cul de Lampe Gitane a des difficultés dans la pierraille du rude sentier au dessus du ravin de Chorolant . (Traversée de la Chartreuse - juillet 1993)

Après le col, j'engage les juments sur la crête, vaste espace de bois et de prairies. Nous admirons le spectacle de ses grands arbres et les nombreux squelettes figés en plein ciel ou gisant dans l'herbe, foudroyés. La crête s'effile, devient pentue. À gauche ! Nous attaquons la descente, le sentier se faufile dans les barres rocheuses dans des pentes de plus en plus raides. Les lacets s'enchaînent dans le précipice de plus en plus vertigineux. Mon épaule frôle le rocher, les caisses déportent la croupe de Gitane vers le vide qui nous attire. Inquiet, je me retourne, devine ses postérieurs qui dérapent, glissent dans l'abîme, pauvre Gitane, coup de reins, sacré jument. 200 à 300m de vide, à nouveau un rocher m'oblige à marcher au bord du ravin. Gitane ! Attention ! Même scène, même film catastrophe, j'ai peur pour la fantastique jument de bât. Non Gitane, pas ici, on va s'en sortir. Quita, attend Gi ! Elles ont du mal à se plier pour passer une épingle à cheveux. La partie inférieure du lacet est en dessous de la partie supérieure simplement retenue par des racines... ! Je taille à la machette les branches d'un mélèze couché en travers dans la pente. Toujours impossible de faire demi-tour ! C'est trop tard, il fallait reconnaitre avant. Erreur qui pourrait être fatale pour les juments, il faut continuer. L'appréhension des prochains mètres invisibles me serre le coeur, me tord les tripes. Les pentes s'adoucissent, c'est l'endroit que choisit Gitane pour glisser dans la pente. Devant Riquita, je ne la vois plus. Vingt mètres en dessous, elle galope entrainée par la pente, se cramponne des quatre pieds au terrain glissant, freine, enfin s'arrête, hennit. On est là, fille ! Elle nous rejoint sur le sentier, à sa place, derrière la jument de selle. La raideur de la pente m'empêche de passer le long de Quita pour la réconforter, la caresser. Les oreilles en avant, son regard est tendu. Je suis là !

Enfin, nous rattrapons la piste forestière qui mène à la Chartreuse de Currières. Présage, un arbre en travers semble nous dire : c'est la fin du raid.

ATTENTION : Descendre avec des chevaux par la crête des Charmilles est à déconseiller absolument.

Carte, documentation et topos

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