Sentiers de randonnée en pleine Nature

Quelques voitures seulement stationnent sur le vaste parking aménagé sur la route du domaine skiable de Lans en Vercors. Les raquettes rangées sur le sac à dos, c'est parti sur la piste qui monte au gîte des Allières – peu glissante, la neige porte bien. Traversant le site familier du Collet du Furon et ses pistes de ski de fond, une bonne trace monte vers la Fontaine Froide. Elle se poursuit pour atteindre le pied des pentes de la large dépression du Col de l'Arc qui relie la Crête des Crocs au Pic Saint Michel. Agréable à parcourir, elle suit approximativement le sentier d'été.

Laissant filer vers le Sud le sentier Gobert, la pente s'accentue pour rejoindre les falaises qui soutiennent le versant Sud-Ouest du Pic Saint Michel. Au pied du cirque qu'elle forme avec l'extrémité Nord de la Crête des Crocs, traverser des accumulations de neige poudreuse impose bientôt de chausser les raquettes pour rendre l'ascension plus facile. Le col géographique encore invisible, ne se laissera découvrir qu'après avoir franchi la barre rocheuse. Un large lacet dans la combe permet de revenir en traversée au dessus de l'à pic. La large vire exposée, clé de l'itinéraire, ne pose pas de difficulté aujourd'hui, mais son parcours pourrait devenir très délicat sur de la neige dure sans trace.

Un skieur suivi d'une personne en raquettes remontent le fond de la combe à vive allure… Le couple me rattrape alors que je photographie le Col de l'Arc et les premiers ressauts de l'arête Sud du Pic Saint Michel. "Salut !" Eux aussi convoitent le sommet. "Aujourd'hui, nous ne sommes que trois pingouins…" me lance la jeune femme souriante. Je n'ai pas eu suffisamment de répartie pour répliquer : "Oui, mais pas trois manchots… !" En attendant qu'ils atteignent la crête pour ajouter un peu d'humanité à l'atmosphère plutôt angoissante du paysage, je profite de la courte pause avant de prendre la photo.

Sans aller jusqu'au col, une traversée conduit rapidement sur le fil de la crête. En fortes bourrasques, le vent soulève la neige. Sous les coups de butoir, je perds parfois l'équilibre m'appuyant sur les bâtons… La neige qui vole limite la visibilité. Mais, tout va bien jusqu'à 1820m [ 31T 0705749 4995822 ], une erreur d'appréciation me fait quitter le bord des falaises Est pour m'engager dans le versant Ouest. Dans la pente, la neige est cartonnée sur une profonde épaisseur de poudreuse. Persistant dans l'erreur, traversant la croupe orientée vers l'Ouest bien visible sur la 1/25000e, je suis inquiet, prêt à renoncer. Mais, l'analyse de ma position sur la carte du GPS, m'engage cependant à poursuivre l'ascension par un lacet vers le Sud pour rejoindre le bon passage sur la crête. De moins en moins de neige, je retrouve bientôt le moral et la neige durcie de la crête, verglacée par endroits…

Passant le point coté 1951m, je croise le couple qui commence sa descente. Alors qu'à skis, son compagnon est déjà loin, la jeune femme en raquettes me recommande d'être prudent pour franchir un trou caché par un pont de neige, situé à proximité. Effectivement, s'il n'y a rien de mentionné sur la 1/25000e, un piège est bien caché là. La faille d'un lapiaz probablement [ 31T 0706049 4996069 ].

Les corniches empêchent de s'approcher du bord de l'à pic qui se suit facilement. Soigneusement, j'évite les pierres qui affleurent pour ne pas trop rayer les raquettes. La neige soulevée par le vent transformée en fort blizzard occasionne de nombreuses piqûres douloureuses sur ce qu'il reste du visage non protégé par la capuche de la veste de protection. Je monte la fermeture éclair aussi haut que possible et serre encore les lacets de la capuche.

Le vent toujours très fort poursuit son offensive. Sans monter à côté de la croix profiter du sommet, je m'engage dans la descente de la crête vers le Nord pour atteindre une brèche caractéristique. Par endroit la pente raide de neige durcie rend difficile la descente en raquettes, comme pour mettre à mal les muscles et les articulations. Sous la dépression, une skieuse solitaire enlève les peaux de phoques de ses skis qu'elle chausse pour se lancer dans la descente. "Le temps est de pire en pire…" Je comprends qu'elle renonce au sommet. La brèche ourlée de corniches offre un point de vue impressionnant sur les falaises jusqu'au Grand Cheval et plus loin, le Moucherotte – sinistre vision.

À mon tour, moins élégant que la jeune skieuse qui enchaîne ses virages bien arondis, je suis la ligne de fond de la combe. Raide d'abord, la pente s'adoucit rapidement pour offrir un parcours presque agréable. Cachées sous la fine couche de neige poudreuse transportée, les vieilles empreintes durcies de raquettes mettent à mal, pieds et chevilles. Cherchant les endroits vierges de traces, je surveille le GPS pour rester suffisamment éloigné du Scialet du Pic Saint Michel pour lequel j'ai paramètré une alerte. Sonnerie stridente ! Le trou est à moins de 50 mètres…

La neige soulevée par le vent provoque toujours des désagréments. Cependant, descendu vers 1680m, une pierre presque sèche, accueillante, m'autorise une pause méritée.

La route programmée sur le GPS, me conduit jusqu'à la Combe Oursière orientée Nord-Sud, pour suivre sa crête en rive gauche sans oublier de me retourner pour ne pas perdre une miette des paysages ennuagés autour de Villard-de-Lans. 600 mètres d'un parcours presque plat reposent, effacent la tension nerveuse. Arrivé au lacet à gauche [ 31T 0705255 4996947 ], qu'il ne faut pas manquer, la descente se poursuit sans difficulté jusque vers 1510m, où le chemin entre dans la forêt pour descendre vers l'Ouest jusqu'au Collet du Furon. Le passage répété de skieurs en godille, en chasse neige ou dérapage pour les moins expérimentés, a dessiné une trace de larges bosses lisses et douces, agréables.

L'itinéraire de ce matin retrouvé, conduit rapidement au point de départ. Il neige faiblement alors que, arrivé à la voiture, je range le matériel et prend enfin le temps de sortir un repas léger du sac à dos. Plutôt heureux de cette aventure, je me surprends à rêver à de prochaines sorties… Ce n'est pas hier que cela se passe, c'est aujourd'hui ou demain !

Carte, documentation et topos

Itinéraire inspiré des Guides Raquettes Isère Tome 2 par Émmanuel Armand aux Éditions LIBRIS.