Sentiers de randonnée en pleine Nature

Dans Abondance, on prendra la direction du Lac des Plagnes. Après 3,5 kilomètres, en passant par plusieurs hameaux typiques de la vallée, prendre la direction de Follebin. La petite route monte sur 1,9 kilomètres jusqu'à un terre plein, carrefour de chemins après la chapelle Saint-Théodule [ 32 T 327003 5125217 – N 46.25849° E 6.75533° ].

Pas le temps de s'échauffer, la piste monte raide vers Trélesbœufs. Les clarines du troupeau de vaches, d'Abondance certainement, enchantent le silence haut-savoyard. La bergère m'accueille souriante, alors que le groupe électrogène ronfle pour alimenter les machines à traire. "Vous traversez le Mont Grange ? Vous êtes seul ? C'est une belle journée. Soyez prudent." Les clôtures électriques sont ouvertes. "Il n'y a pas le courant."

De suite, ce n'est plus que le relief du sentier qui témoigne du passage dans l'alpage. Emprunté par les troupeaux depuis des siècles, certainement, les vaches ont creusé de multiples ramifications qui heureusement, partent toutes dans la même direction. Sous le couvert des arbres, l'orientation se complique un peu.

Enfin, le GPS confirme que le plat traversé est à la base du bon couloir herbeux qui monte franchir l'escarpement rocheux pour déboucher sur la crête de Belair. Le passage mentionné sur la 1/25000e, n'appartient pas aux descriptions de l'itinéraire qui monte à l'Enquernaz, des Fauges ou de Sur la Ravine. Pourtant, le petit sentier logique coupe la montée en forêt et raccourcit le retour déjà bien long par l'alpage.

Dans l'herbe haute, le sentier se devine pour traverser Belair. Et sur la large croupe de la Montagne de Pertuis, la rosée abondante trempe bientôt le pantalon. Arrivé aux Lanches des Plaults [ 32 T 327927 5125771 ], le sentier s'oriente dans la pente vers l'Est. Sur les rochers, les marques passées de peinture orange vont désormais jalonner le parcours dans le chaos de blocs.

Souvent en équilibre, d'une pierre à l'autre, mètre après mètre, le dénivelé s'avale pour déboucher dans l'herbe sur une sorte de collet. La crête se dessine pour conduire à la croix au sommet de la Montagne de Pertuis. Un pas encore, et enfin à la croix, c'est d'abord le caractère aérien du lieu qui marque l'esprit. Plus que le vertige, c'est le sentiment de domination qui l'emporte, seul sur l'espace exigu. Mais la masse encore dans l'ombre du Mont de Grange, ramène à la réalité des 270 mètres de D+ qui restent à gravir.

Presque plat, le parcours de la crête effilée repose. Mais le parcours agréable est bien trop court. Cela laisse le temps de deviner l'itinéraire dans la pente rocailleuse.

La sente ravinée s'élève rapidement, jouxte le couloir vertigineux de la Combe de Pertuis, grimpe encore vers un ressaut massif qui marque le pied d'un couloir rocheux que l'itinéraire gravit sur quelques mètres avant de s'échapper par la droite pour retrouver une pente plus facile.

D'un coup, l'angle de vue s'élargit pour atteindre les 360° au sommet. La table d'orientation est squattée par quelques marcheurs qui semblent avoir pris racine. Des t-shirts sèchent étendus sur les rochers. Je fuis vers l'antenne relais, davantage montagnards, deux randonneurs m'accueillent partageant le même besoin de tranquillité. Ils parcourent la même randonnée, mais dans l'autre sens et ne tardent pas à s'engager dans la descente escarpée.

La vue étendue est totalement sans nuage. Absent, le voile bleuté habituel laisse découvrir les moindres détails d'un panorama exceptionnel dans toutes les directions. Les glaciers de la Vanoise et le Mont Pourri, les Aravis et la Pointe Percée, le massif du Mont Blanc, le Valais suisse, l'Oberland et plus près le Chablais, les Cornettes de Bise et la Dent d'Oche en particulier, qui excite ma convoitise.

Vers le bas, le regard domine la Montagne de Pertuis. Très raide, le début impressionnant de la Combe de Chemine renvoie la pensée aux topos des skieurs de randonnée lus ici ou là. Mais l'affluence augmente, montant de la voie normale. Enfilant le sac à dos, je ne m'attarde pas plus.

Tout de suite un bon sentier prend la direction de la Crête de Coicon. Un court détour par l'Ouest parcourt une pente douce, où la pause pourrait s'envisager. Mais la foule à la table d'orientation toute proche m'en dissuade. Alors, en trottinant, je dévale la longue pente.

Fatigués, épuisés même, soufflant, polis ou impolis, j'en croise des tas. Ils montent par les températures les plus chaudes de la journée. Quelques heures de sommeil en moins, leur aurait permis une randonnée agréable. L'ont-ils imaginé ? À l'écart du chemin, une épaule sur la crête, semble bien accueillante. Sac à dos posé à terre, pique nique installé, il reste à ouvrir la boite de salade, face aux Dents du Midi – il y a pire.

Un groupe croisé au sommet stationne sous le ressaut de la crête vers 2100m. Sous une couverture de survie, une femme est couchée là. Victime d'une entorse à la cheville, ou plus grave, entourée de ses amis, elle attend les secours. Le bruit de l'hélicoptère s'entend au loin, du côté d'Avoriaz.

La libellule géante, finira par arriver. Pour la fille, préférant l'avis du médecin, elle a dédaigné les entalgiques proposés. Une sorte de soulagement m'envahit, avant de plonger dans les dernières pentes de la crête.

Le sentier tombe sur la piste pastorale. Pour poursuivre la crête, je néglige le raccourci qui dévale sur Lenlevay vers 2030 mètres. Long, le parcours n'est pas ennuyeux à travers des paysages méconnus. Sur le tour du Mont de Grange, quatre jeunes randonneuse m'interpellent pour une photo – sans retenue, j'accepte de presser le déclencheur. L'oratoire, et enfin, le parking – les deux randonneurs de l'antenne au sommet, terminent aussi leur parcours, descendant de Trélesbœufs. Retrouvailles ponctuelles et cordiales, chacun se prépare au retour. Avec un peu d'avance, ils quittent le parking. Quelques temps plus tard, coincé par les travaux à la chapelle, 45 minutes de patience permettront de reprendre la route du retour quand la pelleteuse aura rebouché la tranchée creusée dans l'axe de la route sur une dizaine de mètres…

Carte, documentation et topos

Chablais : Les plus belles randonnées par Pierre Millon.